Ile aux fleurs amères : mon «paradis»

8 novembre 2014

Ile aux fleurs amères : mon «paradis»

LE PARADIS PERDU ?

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Chez moi, c’est mon paradis. Certes pas idyllique, mais c’est le mien! Une île de l’archipel des petites Antilles, baignant entre la mer des Caraïbes et l’océan Atlantique. Une île soumise aux aléas climatiques (séismes, volcanisme et cyclones). Mais je l’aime mon île, car j’ai appris à vivre avec ses épées de Damoclès, à m’y préparer et ne plus en avoir peur. Plages de sable blanc ou noir, forêts tropicales, rivières, elle est belle la carte postale…

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Pourtant, mon île va mal, mon île est malade.

Premier symptôme:

 La violence (violences faites aux femmes, violences corporelles avec et sans arme, braquage, meurtres, phénomènes de gang, trafic de drogue…). La violence c’est au quotidien, pour un geste, un regard, une parole. Il n’y a plus de respect d’autrui, il n’y a plus de devoirs… Tous les coups sont permis. L’oisiveté est la mère de tous les vices. Le citoyen lambda ne peut plus se promener dans la rue avec ses bijoux en or (le bijou en or a toujours tenu une place importante dans les familles martiniquaises, car il se transmet de génération en génération: bijoux entre 18 et 24 carats, représentants la biodiversité et les traditions locales), au risque de se faire agresser sauvagement pour un collier, une boucle d’oreille… Le phénomène s’est aggravé avec les cours de l’or qui se sont envolés et la possibilité pour les particuliers de vendre leur or à des professionnels mais sans justificatifs d’identité, ni d’appartenance du bijou. Devant un tel phénomène exacerbé par une crise qui n’en finit pas, les autorités préfectorales ont décidé de règlementer les conditions de vente et rachat d’or.

Par ailleurs, la Martinique est une plaque tournante de la drogue, un carrefour entre l’Amérique latine, les Etats-Unis et l’Europe: tous les trafics s’y retrouvent: cocaïne, crack, cannabis, armes, animaux exotiques, etc.

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Les violences se vivent au quotidien même si la Martinique n’est ni Mexico, le Bronx ou autre ville du monde réputée ultra violente. Toutefois, le phénomène ne fait que s’accroître au fil des années et ne semble pas trouver de solutions adaptées. La police, la gendarmerie, les pouvoirs publics et autres autorités compétentes font leur travail, ont des réussites mais à mon humble avis, restent dépassés par les évènements toujours plus violents et plus rapides.

Mon plus grand regret est la suppression du service militaire qui cadrait les jeunes, leur apprenait les droits et devoirs des citoyens et à devenir des hommes responsables. Il n’y a plus de cadre, plus de règles et tout le monde ignore la loi!

 Deuxième symptôme:

Le chômage (à mon avis le pire de tous, car insidieux) qui atteint près de 30 % de la population active. Conseillère en insertion professionnelle, c’est mon quotidien. Je pourrais en écrire des pages sur ce sujet, dire où sont les torts (ils sont malheureusement de tous les côtés: politiques, entreprises, chômeurs, système éducatif…), mais je développerai ce thème dans un autre article. 

Le chômage n’est pas une fatalité, mais il est viscéral et pernicieux, il s’est banalisé autant que la crise, les fermetures successives et toujours plus nombreuses des entreprises, le choix d’emplois devenus alimentaires et celui de formations mal adaptées au marché de l’emploi, n’ayant aucun débouchés!

Demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an au 31 décembre 2013

en nombre, en %
Au 31 décembre 2013
Martinique Martinique/France (en %)
/// : absence de donnée due à la nature des choses.
Données brutes.
Champ : DEFM catégorie A, B, C.
Sources : Pôle emploi ; Dares.
Hommes (en nombre) 11 318 1,0
Moins de 25 ans (en %) 7,4 ///
25 à 49 ans (en %) 59,1 ///
50 ans ou plus (en %) 33,6 ///
Femmes (en nombre) 16 415 1,5
Moins de 25 ans (en %) 6,4 ///
25 à 49 ans (en %) 62,2 ///
50 ans ou plus (en %) 31,3 ///
Total (en nombre) 27 733 1,2
Moins de 25 ans (en %) 6,8 ///
25 à 49 ans (en %) 60,9 ///
50 ans ou plus (en %) 32,2 ///


Troisième symptôme et non le moindre:

L’éducation, qu’elle soit parentale ou institutionnelle.

Car il n’y a plus de valeurs, il n’y a plus de volonté des parents et des professeurs et il n’y a plus de vocation professorale (beaucoup font ce métier pour la sécurité de l’emploi)!

Je me souviens de ces maîtresses et professeurs qui nous réprimandaient et nous tapaient sans pour autant qu’on parle de violence. Je me souviens des « volées » de cuillères en bois et autres balais de mes parents, ma grand-mère et autres adultes qui par automatisme et crainte représentaient l’autorité… Et pourtant ma génération n’a pas fini mal, nous n’avons pas » viré » psychopathes; nous nous portons même plutôt bien et nous battons chaque jour pour porter fièrement les couleurs de notre île et transmettre à notre tour les valeurs que l’on nous a inculquées (tolérance, savoirs, connaissances, respect, culture, humanité, etc.)


L’éducation à l’heure actuelle, c’est juste apprendre ce qui est inscrit dans les livres sans savoir si les jeunes ont compris les enseignements et pourront les transmettre à leur tour….

En Martinique, on se contente du basique et on ne cherche pas à préparer la future élite, ni des jeunes qui pourront s’insérer dans la vie active. Le programme régional de formation est immuable et indécrottable, il ne s’adapte définitivement pas (ou très rarement, dans l’urgence) aux réels besoins du territoire. Les mêmes sempiternelles formations déjà prédestinées qui feront de toi, selon ta filière choisie, une secrétaire en tout genre, un maçon, un électrotechnicien certes diplômés mais au chômage. Mais ne parlons même pas des formations généralistes de l’université qui souvent débouchent sur des diplômes qui ne vous mèneront à aucun métier concret sinon à celui de chômeurs professionnels si vous ne vous réveillez pas à temps et si tant est que ce soit un métier!

Population de 2 ans ou plus par scolarisation, sexe, âge et lieu d’études

Sexe: Tout confondu

Non scolarisés Commune de résidence Autre commune du département de résidence Autre département de la région de résidence Autre région en France métropolitaine Autre (Dom, Com, étranger) Ensemble
Source : Insee, RP2011 exploitation principale.
2 ans 3 333 1 073 244 0 3 1 4 654
3 ans 309 3 519 791 0 3 22 4 644
4 ans 101 4 044 771 0 8 3 4 926
5 ans 70 3 843 930 0 7 16 4 868
6 à 10 ans 360 20 868 4 897 0 45 56 26 226
11 à 14 ans 330 16 222 5 104 0 56 48 21 760
15 à 17 ans 794 7 229 8 475 0 151 30 16 680
18 à 24 ans 17 047 4 932 10 292 0 168 55 32 494
25 à 29 ans 17 784 316 821 0 32 17 18 971
30 ans ou plus 246 794 695 740 0 56 18 248 303
Ensemble 286 924 62 740 33 066 0 530 266 383 526

Sexe : Hommes

Non scolarisés Commune de résidence Autre commune du département de résidence Autre département de la région de résidence Autre région en France métropolitaine Autre (Dom, Com, étranger) Ensemble
Source : Insee, RP2011 exploitation principale.
2 ans 1 789 534 117 0 0 1 2 442
3 ans 154 1 751 389 0 2 8 2 304
4 ans 49 1 979 379 0 4 2 2 414
5 ans 38 1 909 472 0 4 8 2 431
6 à 10 ans 188 10 503 2 429 0 18 29 13 167
11 à 14 ans 200 8 364 2 496 0 28 24 11 111
15 à 17 ans 447 3 603 4 106 0 83 14 8 252
18 à 24 ans 9 103 2 235 4 754 0 79 29 16 200
25 à 29 ans 7 970 118 272 0 8 5 8 374
30 ans ou plus 108 993 280 235 0 14 10 109 533
Ensemble 128 932 31 277 15 650 0 240 130 176 229

Sexe : Femmes

Non scolarisés Commune de résidence Autre commune du département de résidence Autre département de la région de résidence Autre région en France métropolitaine Autre (Dom, Com, étranger) Ensemble
Source : Insee, RP2011 exploitation principale.
2 ans 1 544 538 127 0 3 0 2 212
3 ans 155 1 768 402 0 1 14 2 340
4 ans 52 2 064 391 0 4 1 2 512
5 ans 33 1 934 458 0 3 8 2 437
6 à 10 ans 172 10 364 2 467 0 28 27 13 058
11 à 14 ans 131 7 858 2 608 0 29 24 10 649
15 à 17 ans 347 3 627 4 370 0 68 16 8 427
18 à 24 ans 7 944 2 697 5 538 0 89 26 16 294
25 à 29 ans 9 814 198 549 0 24 12 10 597
30 ans ou plus 137 801 415 505 0 42 8 138 770
Ensemble 157 992 31 463 17 416 0 290 136 207 297

PETIT OU GROS COUP DE GUEULE:

Pour une île si belle à vocation touristique et à faire paraître au patrimoine mondial de l’Unesco des sites remarquables, la Martinique recule sur la question environnementale.

Différents scandales environnementaux ont secoué l’île, liés au chlordécone (pesticide interdit aux États-Unis depuis 1976 et par la suite en France, mais autorisé en Martinique jusqu’aux années 90; apparemment la Martinique n’était pas la France)  qui a pollué les terres et les rivières pour des siècles, privé les pêcheurs de certaines denrées (langoustes et crustacés interdits à la vente); aux sargasses (algues invasives) qui empêchent la baignade sur beaucoup de plages (l’une des principales attractions touristiques étant nos belles plages), dont la décomposition qui dégage de l’hydrogène sulfurée (gaz toxique à forte dose) entraîne des malaises et de nombreux dégâts matériels. Les autorités gèrent cette crise au jour le jour sans perspective d’avenir ni anticipation.

Et non content de ce passif déplorable, ne voilà t-il pas que le mardi 4 novembre sous prétexte de péril imminent, le préfet a décidé de couler par 3 000 m de fond et à 30 km de la côte caraïbe (au large du Prêcheur) dans une réserve marine, Le Cosette, un bateau poubelle transporteur de déchets dangereux (soi-disant vidé de toutes substances toxiques), qui croupissait depuis 4 ans dans le port de Fort-de-France (abandonné avec son équipage par son propriétaire et son armateur). Que dire de cette aberration révoltante et de ce mépris de l’environnement et des conséquences dramatiques que cela engendrera dans le futur. (Nous reviendrons ultérieurement sur Le Cosette dans un autre article).


Enfin… Mon île est malade, sa population n’est guère mieux mais elles se soignent avec plus ou moins de succès !


Chez moi n’est plus le paradis d’avant, mais mon île et ses jeunes tentent tous les jours d’avancer et d’apporter leur pierre à l’édifice et de faire de cette région française perdue dans l’océan Atlantique, un territoire viable et vivable pour une population qui bien que désabusée, continue d’espérer à chaque lever du Soleil.

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